- FISCAL (DROIT)
- FISCAL (DROIT)Technique libérale de financement des dépenses publiques, l’impôt est encore bien souvent ressenti par les contribuables comme une intrusion inique et une spoliation, puisqu’il entraîne une amputation des revenus ou du patrimoine, alors que sa contrepartie personnelle n’apparaît pas directement. Les moyens d’intervention de la puissance publique dans le domaine fiscal et les réactions de l’opinion publique constituent un précieux indicateur des relations au sein d’une société; on peut dire qu’ils sont des faits de civilisation.Traditionnellement, les pouvoirs publics ont le choix, en matière fiscale, entre la contrainte et l’assentiment. Si, par nature et par héritage historique, l’administration fiscale française a longtemps penché pour un système d’autorité, il convient de remarquer que, depuis un certain nombre d’années, des relations et des procédures de dialogue se sont instaurées dans un domaine où prévaut encore l’affrontement. Cependant, si la collaboration entre le fisc et les particuliers paraît être un moyen d’éviter que l’impôt ne soit psychologiquement considéré comme une contrainte et soit un remède à cette maladie que M. Lauré a baptisée «allergie fiscale», on doit reconnaître que des sujétions contraignantes continueront longtemps encore de peser sur les contribuables. L’exercice du pouvoir fiscal supposera toujours, au profit des administrations financières, des pouvoirs et des prérogatives beaucoup plus importants que ceux des autres administrations, même si ces prérogatives et ces pouvoirs connaissent des limites qui tiennent à l’existence d’un ensemble de règles juridiques.Dans une première approche, le droit fiscal apparaît comme la branche du droit qui régit cette activité particulière de l’État qui consiste à procurer à la puissance publique , à titre définitif, des ressources financières par un prélèvement autoritaire et sans contrepartie.Plus simplement, le droit fiscal est le droit relatif à l’application des lois d’impôt. Mais, comme le souligne le doyen Vedel, le droit fiscal est un peu «l’enfant perdu des disciplines juridiques. Dans la grande famille du droit, il fait figure, sinon d’orphelin recueilli, du moins d’enfant un peu singulier». En effet, l’ensemble des règles juridiques qui constitue le droit fiscal s’applique à des situations, à des personnes et à des biens déjà intégrés dans la vie juridique. Dès lors se pose la question de la place du droit fiscal parmi les diverses branches du droit. Le droit fiscal appartient-il au droit public ou au droit privé? L’impôt étant un rapport entre le fisc et les contribuables, c’est-à-dire entre l’État et les citoyens vus sous l’angle fiscal, le droit fiscal est une branche du droit public. Mais le droit fiscal doit être étudié séparément, à côté du droit constitutionnel et du droit administratif, car il présente, du fait de sa construction autour de l’idée de pouvoir fiscal, une originalité certaine. On peut résumer ce qui précède en reprenant la définition du doyen Trotabas: le droit fiscal «est la branche du droit public qui règle les droits du fisc et leurs prérogatives d’exercice». L’examen successif des sources et du contenu du droit fiscal, puis l’étude de l’organisation du contentieux fiscal montreront l’originalité de cette discipline. Le droit fiscal est un droit autonome, c’est-à-dire qu’il est gouverné par des principes et des règles propres, distincts de ceux dont s’inspirent les autres branches du droit.1. Les sources du droit fiscalLe droit fiscal est issu de sources que l’on trouve dans toutes les branches du droit: la loi, les textes réglementaires, la jurisprudence et la doctrine. Cependant, en vertu du principe de légalité, les dispositions législatives constituent la seule véritable source du droit fiscal; les autres éléments auxquels on accorde généralement cette dénomination ne sont, en réalité, que des sources dérivées.La loiLe principe de légalité de l’impôt, fondement du droit fiscal, se rattache à la règle traditionnelle du consentement de l’impôt par les représentants des contribuables: il est à l’origine de nos institutions représentatives. Proclamé solennellement par l’article 14 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, ce principe a été plusieurs fois rappelé et a été constamment maintenu. Aujourd’hui, ce principe est réaffirmé par l’article 34 de la Constitution de 1958, qui déclare: «La loi fixe les règles concernant (...) l’assiette, le taux et les modalités de recouvrement des impositions de toutes natures». Toutefois, on peut observer, depuis le début du XXe siècle, un certain déclin du principe de légalité. D’une part, on assiste, avec la pratique des décrets-lois , à des délégations de plus en plus larges du pouvoir législatif en matière fiscale. D’autre part, l’utilisation de la fiscalité à des fins économiques a conduit le gouvernement à se servir des taux de l’impôt pour agir sur la conjoncture économique. Enfin, la technique des agréments fiscaux porte atteinte, dans une certaine mesure, au principe de la légalité de l’impôt. Quoi qu’il en soit, le principe demeure, et, comme le remarque P. Lalumière : «Le Parlement de la Ve République... par son travail de grignotage des positions gouvernementales, qui a abouti fréquemment à des mesures d’allégement fiscal, apparaît comme le continuateur de toutes les assemblées élues, qui, depuis le XIXe siècle, ont essayé de défendre les redevables contre les exigences sans cesse accrues de l’exécutif.». Mais la loi fiscale présente des caractères originaux tant dans son élaboration que dans son application.Aux termes de l’article 39 de la Constitution, l’initiative des lois appartient concurremment au Premier ministre et aux membres du Parlement. Mais, en matière fiscale, l’initiative des parlementaires est considérablement limitée par l’article 40 en vertu duquel «les propositions et amendements formulés par les membres du Parlement ne sont pas recevables lorsque leur adoption aurait pour conséquence soit une diminution des ressources publiques, soit la création ou l’aggravation d’une charge publique». En d’autres termes, les députés et sénateurs ne peuvent proposer des allégements fiscaux. Ils conservent leur droit d’initiative pour ce qui concerne l’augmentation des impôts, mais, pour des raisons faciles à comprendre, ils en usent peu. Cela a pour conséquence que la plupart des dispositions législatives de caractère fiscal sont d’initiative gouvernementale. D’autre part, comme les discussions au Parlement s’engagent toujours sur la base des projets élaborés par l’Administration et comme les parlementaires proposent peu d’amendements, le texte des lois fiscales adoptées par le Parlement est fort peu différent du projet initial déposé par le gouvernement. De ce fait, il arrive fréquemment que le même service de la direction générale des Impôts soit amené à élaborer le projet de loi soumis au Parlement, à en rédiger les décrets d’application et à en commenter la portée. On comprend dans ces conditions le caractère particulier de la législation fiscale.L’application de la loi fiscale dans le temps et dans l’espace ne présente pas de grandes différences par rapport à celle des autres lois. En ce qui concerne l’application de la loi dans le temps, on retrouve les deux principes classiques de l’application immédiate et de la non-rétroactivité. Selon les dispositions du Code civil, les lois deviennent obligatoires un jour franc après leur publication au Journal officiel , étant entendu que la loi peut fixer elle-même une autre date pour son entrée en vigueur. La loi fiscale s’applique, en principe, immédiatement, mais cela ne va pas sans poser quelques problèmes. Le principe est simple, la nouvelle loi s’applique chaque fois que le fait générateur, c’est-à-dire l’acte ou l’événement qui rend le contribuable redevable de l’impôt, est postérieur à sa publication. Les impôts ou les droits frappant une opération déterminée ne soulèvent pas de difficultés, car le fait générateur est facile à situer. Pour la T.V.A., ce sera soit la livraison du produit, soit l’encaissement du prix; pour les droits d’enregistrement, ce sera la date de la mutation taxable ou la date de l’acte. Mais, en ce qui concerne les impôts directs, compte tenu du principe de l’annualité, cette application immédiate prend un caractère particulier et il importe de préciser quel est le fait générateur. Pour l’impôt sur le revenu et l’impôt sur les sociétés, la législation applicable pour l’assiette est celle qui est en vigueur à la clôture de la période d’imposition, c’est-à-dire soit le 31 décembre, soit la date de clôture de l’exercice comptable. Ainsi, les dispositions nouvelles jouent pour le revenu ou le bénéfice de l’année ou de l’exercice en cours lors de l’entrée en vigueur de la loi, sans que l’on opère une distinction entre la partie de l’année ou de l’exercice antérieur à la publication de la loi et celui qui lui est postérieur. Pour les impôts directs locaux, on retient, en principe, la situation au 1er janvier de l’année qui suit la publication de la loi. En vertu du principe de la non-rétroactivité des lois, la loi fiscale ne dispose que pour l’avenir. Cependant, le législateur peut déroger à ce principe et décider l’application rétroactive de la loi fiscale.L’application territoriale de la loi fiscale est plus complexe et soulève deux problèmes majeurs; la double imposition et l’évasion fiscale. La double imposition provient du fait que les États élaborent souverainement leur législation fiscale et définissent librement l’application de cette législation. Il s’ensuit qu’un contribuable ressortissant d’un pays et percevant des revenus dans un autre pays peut être imposé, pour le même revenu, dans deux pays à la fois. Compte tenu du développement des échanges internationaux, une telle situation serait intolérable. C’est pourquoi, pour éviter les phénomènes de double imposition, de nombreux États ont conclu des accords bilatéraux qui règlent le partage des compétences entre les États. Généralement, ces conventions précisent quel est des deux États, État dans lequel sont perçus les revenus ou État d’origine du bénéficiaire, celui auquel sera attribué le pouvoir d’imposition. Pour certains impôts, en particulier ceux qui frappent les revenus des valeurs immobilières, les conventions laissent à chaque État un pouvoir de taxation, mais prévoient l’imputation, dans certaines limites, de l’impôt payé dans l’un sur l’impôt dû dans l’autre. La France, pour sa part, a déjà conclu plus de trente conventions de ce type. Avec l’évasion fiscale, le problème est inverse. Il ne s’agit plus de protéger les contribuables contre la souveraineté fiscale de l’État, mais de lutter contre l’habileté et l’astuce des contribuables qui profitent du caractère territorial de la souveraineté fiscale pour éluder une partie de leurs impôts en se réfugiant dans un des «paradis fiscaux».L’évasion fiscale, c’est-à-dire le fait pour un redevable de soustraire à l’impôt, auquel la législation fiscale d’un pays déterminé l’assujettit, les biens ou revenus situés ou acquis dans un ou plusieurs pays, peut revêtir diverses formes. L’évasion au regard de l’assiette consiste pour le contribuable à localiser, pour échapper aux exigences de la législation de son pays, ses bases d’imposition dans un pays où l’impôt est moins lourd. L’évasion fiscale au recouvrement se produit lorsque le contribuable échappe au fisc avant d’avoir payé son impôt: c’est l’évasion du contribuable. Pour lutter contre l’évasion internationale, des accords ont été conclus pour permettre au fisc d’étendre son contrôle au-delà des frontières, mais l’efficacité de ces accords est très relative.D’une part, certains pays ont développé sur le plan fiscal une véritable industrie de la fraude, comme Reno sur le plan du divorce, et tirent des ressources importantes de l’hospitalité qu’ils accordent aux capitaux évadés. On conçoit alors qu’ils montrent peu d’empressement à signer des conventions d’assistance administrative pour lutter contre l’évasion fiscale. D’autre part, la clause de sécurité, qui permet à l’État signataire d’opposer un refus à une demande d’assistance si le contrôle fiscal opéré sur son territoire compromet son indépendance politique ou économique, restreint l’efficacité de ces conventions.Les autres sourcesLa loi constitue la source principale du droit fiscal, mais, comme le législateur ne peut préciser lui-même toutes les modalités d’application des mesures fiscales qu’il adopte, le gouvernement et l’administration – la distinction a ici une importance toute particulière – jouent un rôle important dans l’application de la loi fiscale. Quant à la jurisprudence, son intervention a pour effet de résoudre les difficultés qui peuvent naître de l’application de la loi fiscale.Tout d’abord, il appartient au gouvernement de fixer par décrets, décrets en Conseil d’État, ou décrets simples, les détails d’application de la loi fiscale. On doit noter que la matière fiscale, en dépit du principe de légalité de l’impôt, n’est pas exempte de l’attribution de compétences législatives à l’exécutif, comme celles de l’article 16 et surtout celles de l’article 38 de la Constitution. Mais c’est surtout sur le «pouvoir administratif » du fisc qu’il convient d’insister. L’Administration, à la suite de la publication des lois et des décrets d’application, peut prendre des arrêtés, commenter les textes fiscaux à l’intention de ses agents et exposer sa doctrine dans des instructions, circulaires et notes de service. Ces circulaires, qui jouent un rôle considérable dans la pratique, produisent des effets différents suivant leurs destinataires. À l’égard des fonctionnaires de la direction générale des Impôts, ces circulaires constituent des prescriptions impératives puisqu’elles sont l’expression du pouvoir hiérarchique, tandis qu’à l’égard des contribuables elles n’ont, en principe, d’autre valeur que celle d’un avis doctrinal sur l’interprétation de la loi. Les réponses ministérielles aux questions posées par les parlementaires sont comparables, quant à leur force juridique, aux circulaires administratives. Les tribunaux, qui ont pour mission de s’assurer de la régularité de l’application de la loi fiscale, à l’occasion des recours contentieux dont ils sont saisis, exercent un rôle très important dans la mise au point de questions délicates. Mais l’importance effective du juge fiscal comme source du droit est limitée par un certain nombre de données de fait. Il est indéniable que les contribuables éprouvent, sinon une véritable répugnance, du moins une certaine réticence à s’aventurer sur les voies contentieuses avec l’administration fiscale. Cette timidité tient à l’ignorance du contentieux fiscal et des garanties qu’il offre; le contribuable hésite devant une forme d’escrime qui oppose deux adversaires inégalement armés; il craint également que le recours déposé contre le fisc ne lui aliène les bonnes grâces de cette administration. D’autre part, les procès sont longs. Enfin, l’attitude de l’Administration à l’égard des décisions jurisprudentielles contraires à sa doctrine est très variable. En principe, l’Administration fait sienne la décision des tribunaux et l’intègre ainsi à sa doctrine. Toutefois, dans certains cas où, en raison du nombre des contribuables intéressés, l’application de la nouvelle jurisprudence aurait pour effet d’amputer les recettes fiscales, l’Administration limite l’application de la décision au seul contribuable partie au procès. Il arrive même que l’Administration ait recours au législateur pour infirmer les solutions jurisprudentielles qui lui sont défavorables. Ainsi, le Conseil d’État ayant, par un arrêt de principe du 29 mai 1970, admis la déduction de la provision pour congés payés, le législateur a précisé, avec effet rétroactif, par la loi du 9 juillet 1970, que ces indemnités ne sont déductibles que des résultats de l’exercice au cours duquel le salarié prend son congé; l’application pure et simple de la nouvelle jurisprudence aurait, en effet, entraîné une perte d’environ trois milliards de francs pour le budget.Le Code général des impôts rassemble, d’une manière méthodique, l’ensemble de la législation fiscale française. Publié en 1950, ce code remplaçait une série de six codes fiscaux, spécialisés par type d’impôts et répondait avant tout à un besoin d’ordre pratique en classant et en mettant à la portée de chacun l’ensemble des dispositions fiscales en vigueur. Ce code comprend plus de deux mille articles regroupant les textes législatifs: livre I, assiette et liquidation; livre II, recouvrement; et les textes réglementaires en quatre annexes. Il est complété depuis 1981 d’un livre des procédures fiscales qui regroupe les dispositions relatives aux procédures suivies pour asseoir, contrôler ou recouvrer l’impôt ainsi qu’aux garanties et voies de recours des contribuables. Mais les textes sont sans cesse modifiés, et souvent par des lois qui ne s’y réfèrent pas; ce qui nécessite des décrets d’incorporation. Mais l’intégration au Code général des impôts de nouvelles dispositions comporte un certain risque d’altération de la portée de la loi dans la mesure où les services du ministère de l’Économie et des Finances ne peuvent pas toujours se limiter à la reproduction pure et simple des textes. La comparaison du décret de codification et des textes qu’il codifie fait ressortir la transformation formelle que subit la loi lorsqu’elle est incorporée au Code général des impôts. Cette transformation est, le plus souvent, nécessaire à la cohésion de l’ensemble, mais parfois l’Administration profite de l’incorporation au Code général des impôts pour modifier le texte ou en altérer la portée. C’est pourquoi, si une différence apparaît entre le texte codifié et le texte original, c’est en fonction de ce dernier que le juge fiscal doit se prononcer.2. Le contenu du droit fiscalLe contenu du droit fiscal peut être considéré comme autonome. Mais, avant de montrer son indépendance par rapport aux autres disciplines juridiques et de relever les manifestations de cette autonomie, il convient de préciser la signification exacte de l’autonomie du droit fiscal. L’expression «autonomie du droit fiscal», qui a été lancée en 1926-1928 par le doyen Trotabas, initiateur de la théorie, est employée pour souligner que, dans certaines circonstances, le droit fiscal s’écarte du droit commun. Le mot est d’ailleurs contesté par certains auteurs, en particulier par L. Mehl, qui voudraient lui substituer le terme «particularisme». Pour les tenants de l’autonomie, il est possible, à partir du droit fiscal, de dégager un corps de principe homogène, différent des principes juridiques classiques ou généraux, mais cohérent et opposant sa cohérence à celle des autres principes. Les adversaires de cette théorie estiment que l’expression même d’autonomie est de nature à induire en erreur. Certes, il ne s’agit pas de décalquer purement et simplement les notions générales du droit pour les appliquer au domaine fiscal; le droit fiscal modifie, déforme certaines notions juridiques classiques, mais «le droit fiscal n’est pas plus autonome que le droit commercial ou le droit administratif, qui, eux aussi, se sont affranchis de la tutelle du droit civil. Il serait plus exact de parler de la spécificité du droit fiscal».En fait, cette querelle de terminologie apparaît quelque peu secondaire, et pour le doyen Trotabas «peu importe d’adopter cette expression ou toute autre, telle que «spécificité» ou «particularisme», que l’on doit tenir pour équivalente, l’essentiel, c’est de marquer les particularités du droit fiscal».L’indépendance relative du droit fiscalLa raison principale de l’autonomie du droit fiscal réside dans le fait que le droit fiscal est axé sur la nécessité de procurer à l’État des ressources, voire le maximum de ressources. D’où le réalisme et, dans certains cas, l’amoralisme du droit fiscal qui n’a pas nécessairement les mêmes critères que les autres branches du droit.Un exemple classique fait comprendre cette proposition. Après la guerre de 1914-1918, le territoire de Belfort avait créé une caisse d’assurances. Les assureurs des compagnies privées demandèrent l’annulation de la délibération du Conseil général parce que, à leurs yeux, il y avait là une concurrence faite par une personne publique aux entreprises privées et donc violation du principe de la liberté du commerce et de l’industrie. Dans les circonstances de l’époque, les assureurs avaient raison, mais le département affirmait qu’une autorisation législative avait été donnée aux départements de créer des caisses d’assurances départementales puisque des lois de 1898 et 1907 exemptaient formellement de certains impôts les caisses d’assurances départementales. Pour le département, le législateur avait non seulement implicitement envisagé la création de tels organismes, mais encore il les traitait avec une faveur toute particulière.Cette affaire fut portée devant le Conseil d’État, et le commissaire du gouvernement Corneille, dans des conclusions célèbres, réfuta l’argumentation du territoire de Belfort, en exposant qu’un texte de droit fiscal ne pouvait pas être invoqué pour résoudre un problème de droit fiscal, mais qui relevait du droit administratif. Le commissaire au gouvernement s’exprimait ainsi: «Qu’est-ce qu’une loi fiscale? C’est une loi destinée à frapper la matière fiscale, la matière imposable et qui la saisit là où elle se trouve sans s’inquiéter de façon primordiale des conditions où elle s’y trouve, qui la saisit telle qu’elle apparaît en fait, sans se préoccuper de savoir ce qu’elle vaut en droit.» Et, pour illustrer cet amoralisme du droit fiscal, Corneille faisait valoir que la loi fiscale peut très bien prévoir des faits illicites, sans que cela leur confère la licéité. Ainsi le fait que les congrégations non autorisées étaient soumises à une taxe spéciale n’impliquait nullement que ces congrégations fussent licites.Si l’on voulait voir, dans le droit fiscal, des implications tendant à la licéité ou à l’illicéité de certaines activités, on irait à des paradoxes. Ainsi les tribunaux correctionnels n’ont jamais accepté l’argument suivant lequel les professions de mages, guérisseurs, magnétiseurs seraient licites sous prétexte qu’elles figuraient au tableau des patentes. De la même façon, ce n’est pas parce que les revenus de la prostitution sont soumis à l’impôt sur le revenu au titre des bénéfices non commerciaux que l’État donne sa bénédiction à cette activité. À l’inverse, le juge fiscal estime que l’illicéité d’une activité ne saurait empêcher l’Administration de soumettre les profits illicites à l’imposition dans les conditions du droit commun. Il serait, en effet, choquant que des revenus échappent à l’impôt pour le seul motif qu’ils ont un caractère illicite. Mais l’autonomie du droit fiscal dépasse ce genre d’hypothèse. Ce qu’elle signifie, c’est qu’elle se préoccupe de découvrir certaines réalités économiques dont l’appréhension complète ne lui est pas possible à travers les cadres ordinaires du droit civil, du droit commercial, voire du droit administratif, parce qu’ils sont faits pour autre chose.Ainsi, lorsque, après 1914, fut mis en place le système de l’impôt sur le revenu, la question de la définition de la notion «sur le revenu» s’est posée. Le revenu était-il un fruit de la source, comme l’enseigne le Code civil, ou bien un accroissement rattaché à une activité? Pour s’adapter aux réalités économiques, il fallait que l’autonomie du droit fiscal se fît jour. L’autonomie du droit fiscal, c’est donc la nécessité de saisir une réalité économique qui ne coïncide pas nécessairement avec les cadres juridiques classiques.Les manifestations de l’autonomie du droit fiscalIl importe d’envisager deux perspectives différentes suivant que cette autonomie est l’expression de la volonté du législateur ou découle de l’interprétation donnée par le juge de la législation fiscale. En effet, le législateur fiscal peut s’affranchir des catégories reçues et des règles habituellement admises dans les autres branches du droit. En fait, il s’agit de notions ou de règles qui n’ont que peu de rapport avec les autres règles du droit commun. Dans ce cas, le juge les appliquera dans leur sens fiscal, mais, si le législateur ne leur a pas donné un sens différent, le juge fiscal est lié par l’application du droit commun. La loi fiscale adopte fréquemment sur telle ou telle question des règles différentes de celles admises par ailleurs. Des exemples variés de cette tendance au particularisme peuvent être donnés. Qu’il s’agisse, par exemple, de la détermination de ce qu’est un immeuble au sens fiscal du mot (pour la taxation du revenu foncier); qu’il s’agisse du fait que le législateur fiscal considère comme indissolublement liés, au point de vue fiscal, le mari et la femme tant qu’ils vivent ensemble, même si leur régime matrimonial est un régime de séparation; qu’il s’agisse du fait que le Code général des impôts frappe d’impôts les services publics dotés de l’autonomie financière, même s’ils n’ont pas la personnalité morale, et leur confère ainsi une personnalité fiscale différente de la personnalité juridique; qu’il s’agisse, enfin, du fait que, dans le régime des sociétés, le droit fiscal considère la société tantôt comme une personne juridique distincte des associés, tantôt, en recourant à la théorie de la transparence fiscale, comme n’étant que la somme des associés. La législation fiscale, sur toute une série de points, écarte donc purement et simplement les critères adoptés dans les autres branches du droit. Ainsi, une notion aussi utilisée que celle de domicile prend, en droit fiscal, une dimension qui n’a que peu de rapport avec celle du droit civil. En réalité, il s’agit non pas du domicile, mais de la localisation du sujet de l’obligation fiscale au regard des règles de la territorialité de l’impôt.Si, maintenant, on se place dans la perspective du juge interprétant la loi fiscale, la situation est un peu différente. Le juge ne dispose pas de la liberté que possède le législateur; il convient de faire une distinction entre le cas où le législateur fiscal s’est référé à des notions de fait et le cas où il s’est référé à des notions de droit. Dans l’hypothèse où le législateur s’est référé à des notions de fait, le juge doit construire une catégorie juridique propre, sans que, nécessairement, cette dernière recoupe celles qui, à propos des mêmes faits, ont été construites dans d’autres branches du droit. Prenons la notion de commerce. Le Code du commerce donne une définition de cette notion, mais, lorsque le législateur fiscal vise l’impôt sur les bénéfices industriels et commerciaux, il ne se rattache pas à la notion commercialiste du commerce; il prend l’idée de commerce comme celle d’une activité de fait. Dans ces conditions, le juge fiscal n’est pas tenu de construire une catégorie semblable à celle édifiée par le droit commercial. Mais, dans d’autres hypothèses, c’est un critère juridique qui est pris en considération par le législateur. Une affaire jugée en 1967 par le Conseil d’État illustre bien cela. Une société avait acheté une voiture automobile; au lieu d’être immatriculée au nom de la société, elle l’avait été au nom du gérant et servait indifféremment à celui-ci et à la société. Estimant, pour ces raisons, que la société avait en réalité fait une libéralité à l’un de ses membres, l’administration fiscale avait, d’une part, réintégré le montant des amortissements dans le bénéfice imposable de la société sous le prétexte que la voiture n’appartenait pas à celle-ci mais bien à son gérant; elle avait, d’autre part, imposé personnellement le gérant à l’impôt sur le revenu des valeurs immobilières pour la valeur de la voiture considérée comme bénéfice distribué.Cette affaire posait bien des problèmes. La voiture devait-elle être regardée comme propriété de la société ou comme propriété du gérant? Cette question de propriété ne constituait-elle pas une question préjudicielle qui aurait dû être renvoyée à la juridiction judiciaire? Enfin, et surtout, cette question de propriété devait-elle être réglée suivant les normes du droit privé ou pouvait-elle être résolue à la lumière d’un critère particulier en vertu du principe de l’autonomie du droit fiscal?La société avait suggéré qu’elle devait être tenue pour propriétaire au regard du droit fiscal sans qu’il y ait lieu de se référer à l’article 2279 du Code civil. Mais peut-on être propriétaire au sens du droit fiscal? Comme l’a montré le commissaire du gouvernement, M. Mehl, «il n’y a pas de notion spécifique de «la propriété» en droit fiscal» lorsqu’il est question de propriété telle qu’elle est définie par le Code civil. Dans l’espèce, il s’agissait donc de savoir qui était propriétaire, au sens du droit civil, de l’automobile. Pour répondre à cette question, le Conseil d’État a dû vérifier si, à l’examen du dossier, il était possible de dire qui, de la société ou du gérant, était propriétaire de l’automobile et, pour ce faire, il a appliqué des règles du droit civil. La question essentielle à examiner était celle de la possession, puisqu’en vertu de l’article 2279 du Code civil «en fait de meubles, la possession vaut titre». Dans l’espèce, la voiture avait figuré à l’actif social, elle avait été utilisée pour les besoins de la société, entretenue et assurée par elle, la possession était donc patente. Le Conseil d’État s’est donc placé sur le terrain du droit civil et a admis que la société était bien propriétaire du véhicule. Voilà un exemple dans lequel le juge fiscal, en dépit de l’autonomie du droit fiscal, est tenu par les notions qui valent dans les autres branches du droit, parce qu’en réalité, en tant que juge, son autonomie s’applique au droit de qualifier à sa manière des situations de fait, mais non pas de refuser le renvoi à d’autres branches du droit lorsque c’est ce procédé qu’a utilisé le législateur fiscal.3. Le contentieux fiscalLe droit fiscal n’a pas la réputation d’être particulièrement simple et la législation fiscale devient de plus en plus complexe. Ainsi ne faut-il pas s’étonner que l’interprétation et l’application de ce droit soulèvent des difficultés, difficultés d’autant plus grandes que les «protagonistes du drame fiscal», fisc et contribuables, ont des intérêts opposés par nature. Dans ces conditions, l’organisation d’un contentieux fiscal, pouvant porter aussi bien sur la régularité de l’imposition que sur les modalités de son recouvrement, constitue une garantie pour les contribuables contre une application arbitraire de la loi fiscale. Cependant, le contentieux fiscal a pour principal objet le contrôle de l’activité du fisc, et non la défense des droits subjectifs du contribuable. En effet, le contentieux fiscal est, avant tout, un contentieux objectif: par son statut, qui est de type général et impersonnel, le contribuable se trouve, vis-à-vis du fisc, dans une situation objective. Le contentieux fiscal doit assurer que le statut fiscal sera observé plus qu’il ne doit tendre à la défense des intérêts du contribuable.L’étude du contentieux fiscal, nécessaire à qui veut connaître le droit fiscal et comprendre ses problèmes les plus fondamentaux, exigerait des développements dépassant largement le cadre qui nous est imparti. Il suffira, ici, d’esquisser les grands traits de l’organisation et de la procédure de ce contentieux pour en faire ressortir l’originalité.L’organisation du contentieux fiscalL’organisation du contentieux fiscal est dominée par un principe de base: le partage entre la juridiction judiciaire et la juridiction administrative. Suivant la nature des impôts en litige, l’un ou l’autre de ces deux ordres de juridiction sera compétent. Aussi convient-il, avant de voir comment est organisée la répartition des compétences, de rechercher les raisons de ce partage.Le partage des compétencesAlors que, dans certains pays, le contentieux fiscal est confié à des tribunaux spécialisés, en France, le contentieux fiscal est partagé entre les deux ordres de juridiction suivant la nature de l’impôt. Les contestations concernant les impôts directs et les taxes sur le chiffre d’affaires sont portées devant les tribunaux administratifs, tandis que les litiges portant sur les autres impôts relèvent des tribunaux judiciaires. Les raisons d’être de ce partage sont essentiellement d’ordre historique et, en dépit du maintien de ce principe, le contentieux connaît une unité certaine.On sait que la Révolution avait détruit le système fiscal de l’Ancien Régime, et l’avait remplacé, sous l’influence des physiocrates, essentiellement par des impôts directs. Dans le même temps, les tribunaux fiscaux spécialisés de l’Ancien Régime avaient été supprimés. Aussi, au début de la Révolution, le contentieux fiscal fut-il transféré aux tribunaux judiciaires, puisque les tribunaux administratifs n’existaient pas encore. Mais, sous le Directoire, les difficultés financières conduisirent au rétablissement d’impôts indirects sous la forme de droits d’octroi et au développement des droits d’enregistrement. Devant l’impopularité de ces mesures, il parut de bonne politique, pour apaiser les contribuables, de confirmer la compétence des tribunaux judiciaires qui apparaissent comme les gardiens de la propriété et des libertés individuelles. Ce fut l’objet de la loi du 22 frimaire an VII et de la loi du 5 ventôse an XII. Au contraire, lorsqu’on créa les juridictions administratives, il parut naturel de leur confier le contentieux des impôts directs, puisque l’objet de ces juridictions est de juger les litiges entre les particuliers et l’Administration. La loi du 28 pluviôse an VIII, organisant les conseils de préfecture, reconnut la compétence administrative en matière de contributions directes, en précisant que les conseils de préfecture se prononceraient «sur les demandes des particuliers tendant à obtenir la décharge ou la réduction de leur cote de contributions directes».Pour justifier le maintien de cette division empirique, la doctrine, au XIXe siècle, a imaginé une théorie tirée de la séparation des autorités administrative et judiciaire. D’après cette théorie, les actes de puissance publique seraient normalement de la compétence des tribunaux administratifs et les actes de gestion de la compétence des tribunaux juridiques. Les anciens auteurs affirmaient que le contribuable qui réclame en matière d’impôts directs attaque un rôle nominatif, c’est-à-dire un acte de puissance publique; il est donc normal que son recours aille devant le juge administratif. En ce qui concerne les impôts indirects, au contraire, il n’y a pas de rôle nominatif, et, si le contribuable forme une réclamation, il n’attaque pas un acte de puissance publique; dès lors, la compétence appartient aux tribunaux judiciaires. Mais ce raisonnement se heurtait au fait que le statut du contribuable est identique en matière d’impôts directs et d’impôts indirects. En réalité, il n’y a pas de raisons juridiques permettant d’expliquer le partage des compétences.L’unité du contentieux fiscalAinsi, des raisons pragmatiques expliquent l’apparition et le maintien du principe de la séparation du contentieux fiscal entre la juridiction administrative et la juridiction judiciaire. Mais la portée de ce principe n’est que relative, elle ne doit pas masquer l’unité du contentieux fiscal. Traditionnellement, les tribunaux judiciaires sont compétents pour connaître les litiges relatifs aux impôts indirects, les tribunaux administratifs étant compétents en matière d’impôts directs. Mais différentes dispositions, édictées en 1919-1920 et en 1936-1939, ont étendu la compétence des tribunaux administratifs aux taxes sur le chiffre d’affaires et à certains impôts sur la dépense. D’autre part, toujours en matière d’impôts indirects, la juridiction administrative demeure compétente à l’égard des décisions exécutoires individuelles prises par l’administration fiscale. À l’inverse, les tribunaux judiciaires restent compétents pour les questions concernant l’état des personnes, la nationalité ou la propriété, questions que l’on nomme préjudicielles. Les tribunaux judiciaires sont également compétents, quel que soit l’impôt en cause, pour ce qui concerne les actes de poursuite de caractère judiciaire pour ce qui touche au recouvrement de l’impôt. Ces divers exemples attestent de l’identité de nature du contentieux fiscal au sein des deux ordres de juridiction.L’identité des pouvoirs des deux ordres de juridiction apporte la preuve de l’unité du contentieux fiscal. En effet, les tribunaux judiciaires ainsi que les tribunaux administratifs peuvent apprécier les exceptions d’illégalité soulevées devant eux et concernant des actes d’imposition réglementaire ou individuelle.Ainsi, il existe une unité profonde du contentieux fiscal, celle-ci a été réaffirmée par la loi du 27 décembre 1963, sur l’unification et l’harmonisation des procédures, délais et pénalités en matière fiscale.La répartition des compétences soulève peu de difficultés en raison de la netteté de la délimitation des compétences. Les tribunaux judiciaires sont compétents pour les recours concernant les contributions indirectes – autres que les taxes sur le chiffre d’affaires – et l’enregistrement. Les recours contre les impôts directs, les taxes sur le chiffre d’affaires sont portés devant les tribunaux administratifs. Toutefois, à l’intérieur de chacun des deux ordres de juridiction, des règles spécifiques au contentieux fiscal régissent la compétence. La loi du 28 pluviôse an VIII avait attribué au conseil de préfecture le contentieux des impôts directs. Aujourd’hui, le contentieux fiscal est de la compétence des tribunaux administratifs avec possibilité d’appel devant le Conseil d’État, dans un délai de deux mois, à compter de la notification du jugement du tribunal administratif. Mais il n’existe pas, en règle générale, de recours en cassation. Si les impôts contestés sont des contributions indirectes autres que les taxes sur le chiffre d’affaires, des droits d’enregistrement ou de timbre, les recours doivent être portés devant le tribunal de grande instance. Mais deux particularités doivent être notées. D’abord en ce qui concerne la compétence ratione loci : alors que, selon les règles ordinaires de la procédure civile, c’est en principe le tribunal du domicile du défendeur qui est compétent, en matière fiscale, c’est toujours le tribunal du siège de la régie, même si le fisc est demandeur, qui doit être saisi. Cette règle, qui a été établie «dans un intérêt d’ordre et de comptabilité», montre que le contentieux fiscal doit, avant tout, garantir la bonne marche de l’Administration. Il faut, d’ailleurs, préciser que, dans les faits, c’est le contribuable qui est presque toujours demandeur.D’autre part, il faut relever que le contentieux fiscal, au sein de la juridiction judiciaire, exclut l’appel, sauf si, comme en matière de douane, le tribunal de grande instance est juge d’appel. Plus précisément, les cours d’appel ne sont jamais compétentes pour connaître du contentieux fiscal. Mais, si les jugements des tribunaux judiciaires sont sans appel, ils peuvent être attaqués devant la Cour de cassation qui dispose de pouvoirs particuliers. En effet, alors que, dans les autres matières, la Cour de cassation s’abstient de réviser l’appréciation des faits contenue dans les décisions attaquées, dans le domaine fiscal, elle se réserve d’apprécier l’interprétation des faits et des conventions telle qu’elle résulte des documents qui ont été soumis au juge du fond; elle admet, même, des moyens nouveaux et des productions nouvelles.La procédure du contentieux fiscalLes recours devant chacun des deux ordres de juridiction sont soumis à des règles spécifiques qui expriment bien le caractère particulier de ce contentieux. Mais, depuis un certain nombre d’années, le procès du contentieux fiscal a été instruit par les contribuables avec beaucoup de fermeté, et le législateur s’est efforcé d’unifier les procédures contentieuses et de mettre fin à la diversité existante, tout en conservant le partage traditionnel des compétences. La loi du 27 décembre 1963, portant unification ou harmonisation des procédures, délais et pénalités en matière fiscale, a généralisé la procédure de la réclamation préalable auprès de l’Administration. Désormais, le contentieux fiscal est divisé en deux phases successives: une phase administrative devant le service départemental des impôts, et une phase juridictionnelle devant les tribunaux, si le contribuable n’a pas obtenu satisfaction auprès des services fiscaux.La phase administrativeLe contribuable qui désire obtenir une révision de son imposition doit présenter une réclamation devant le service territorial de l’Administration fiscale dont dépend le lieu d’imposition. Cette réclamation est soumise à des conditions de forme et de délai.Les conditions de forme sont relativement réduites. Formulée par écrit et sur papier libre, la réclamation, qui ne peut être qu’individuelle, doit mentionner l’imposition contestée et être accompagnée soit de l’original, soit de la copie du document matérialisant l’imposition: extrait du rôle, avis de mise en recouvrement, quittance. Pour être recevable, la réclamation doit également contenir l’exposé sommaire des moyens que le contribuable entend indiquer et porter la signature manuscrite du contribuable. Le contribuable peut faire présenter sa réclamation par un tiers, mais celui-ci doit justifier d’un mandat rédigé sur papier timbré et enregistré avant la date de présentation de la réclamation. Il existe cependant un certain nombre de personnes qui peuvent agir sans mandat: les avocats, les avoués, les héritiers, les représentants légaux des sociétés, les femmes mariées vivant sous le même toit que leur mari et ne faisant pas l’objet d’une imposition distincte.En ce qui concerne les conditions de délai, la réclamation doit, pour être recevable, être présentée avant le 31 décembre de l’année suivant celle soit de la mise en recouvrement du rôle, soit de la notification d’un avis de mise en recouvrement, soit du versement de l’impôt contesté, soit enfin de la réalisation de l’événement qui justifie le recours. Le délai de réclamation imparti au contribuable est nettement plus court que celui dont dispose l’Administration pour exercer son droit de reprise, puisque celui-ci est de quatre ans. Mais, lorsque le contribuable fait l’objet d’un redressement, il dispose d’un délai égal à celui de l’Administration pour présenter ses propres réclamations.La réclamation a des effets sur la situation fiscale du contribuable; elle confère aux services fiscaux un certain nombre de droits et d’obligations. La réclamation n’interrompt pas l’exécution de la mise en recouvrement, mais le contribuable a la possibilité d’assortir sa réclamation d’une demande de sursis de paiement de la somme contestée. Ce sursis lui sera accordé s’il présente des garanties suffisantes. L’Administration, après une instruction qui est généralement confiée à l’inspecteur qui a établi l’imposition, statue sur la réclamation dans un délai de six mois suivant la date de présentation. En cas de rejet total ou partiel de la réclamation, la décision de rejet doit être motivée et notifiée au contribuable par lettre recommandée avec accusé de réception.Le service possède la faculté de soumettre d’office à la décision du tribunal compétent la demande du contribuable qui doit être avisé de ce renvoi. Le contribuable a, de son côté, le droit de porter le litige, en cas de rejet de la réclamation, devant le juge. La phase administrative close, la phase juridictionnelle s’ouvre.La phase juridictionnelleLes actions doivent être introduites devant le tribunal administratif pour les impôts directs et les taxes sur le chiffre d’affaires et devant le tribunal de grande instance pour les autres impôts. En dépit de certaines analogies, caractère écrit et inquisitorial de la procédure, et d’un rapprochement des deux contentieux, les procédures demeurent distinctes.Le contribuable dispose d’un délai de deux mois à partir du jour où il a reçu notification de la décision du directeur pour saisir le tribunal administratif. Si cette notification ne lui est pas parvenue dans les six mois suivant la présentation de sa réclamation au directeur, l’intéressé peut soumettre sans délai le litige au tribunal administratif. Le recours est ouvert par une requête rédigée sur papier timbré. Cette requête doit contenir l’exposé sommaire des faits et moyens, les conclusions, et doit porter la mention du nom et de l’adresse du réclamant. Elle doit être accompagnée de l’avis de la décision du directeur. La requête introductive d’instance est notifiée au contribuable. Au cours de cette phase d’échange des mémoires, l’une ou l’autre partie peut abandonner sa demande: le contribuable peut se désister, l’Administration peut donner satisfaction au contribuable. Pendant le cours de cette procédure, le requérant peut prendre connaissance au greffe du tribunal de l’ensemble du dossier, y compris des documents relatifs aux bénéfices et revenus des tiers qui ont été retenus par l’Administration pour rapporter la preuve lui incombant. Mais, afin de respecter le secret professionnel, les communications relatives aux entreprises ou aux personnes nommément désignées ne doivent porter que sur des moyennes. Par ailleurs, le tribunal peut, soit à la demande de l’une des parties, soit de sa propre initiative, ordonner une expertise.Cette mesure d’instruction, qui tend à préciser un point contesté, est confiée à un seul expert, si les parties sont d’accord, ou à trois experts désignés respectivement par chaque partie et par le tribunal. Après instruction, le tribunal rend son jugement. Sauf pour les litiges portant sur les impôts sur le revenu, les réclamations sont jugées en séance publique. La décision est notifiée au requérant par les soins du directeur des contributions directes. Si la thèse de l’Administration succombe, celle-ci doit exécuter immédiatement la sentence et accorder les dégrèvements, même si elle fait appel. Si c’est le contribuable qui est condamné, il doit se conformer à la décision du tribunal. Mais, comme le recours n’a pas d’effet suspensif, le contribuable doit payer avant de plaider. Le jugement du tribunal administratif peut être attaqué devant le Conseil d’État.Le contribuable dispose pour interjeter appel d’un délai de deux mois à partir du jour de la notification du jugement du tribunal. De son côté, le ministre de l’Économie et des Finances peut également faire appel devant la haute juridiction. Quant à son déroulement, la procédure d’appel est, en principe, celle du droit commun. Après instruction, fixation du rôle et tenue de l’audience, l’arrêt du Conseil d’État est rendu, selon les cas, par une seule ou plusieurs sous-sections spécialisées réunies, par la section du contentieux, ou par l’assemblée plénière du contentieux.La procédure devant le tribunal de grande instance comporte de nombreux particularismes. Elle débute par une assignation donnée par voie d’exploit extrajudiciaire dans le délai de deux mois à compter du jour de la réception de la notification de la décision faisant grief. L’instruction se fait par simples mémoires respectivement signifiés, les observations orales sont possibles, le ministère d’avoué n’est pas obligatoire, les jugements sont rendus sur le rapport d’un juge fait en audience publique et sur les conclusions du ministère public. Ces jugements sont sans appel; ils ne peuvent être attaqués que devant la Cour de cassation. Le pourvoi doit être déposé au greffe de la cour dans le délai de deux mois à compter du jour de la signification du jugement et signé de l’avocat du demandeur.
Encyclopédie Universelle. 2012.